Votre ERP vous enferme. Vos données sont en silos. Vos processus divergent. Et alors ?

Alors votre ETI produit le même effort pour un résultat décroissant. Enquête sur les entreprises qui ont reconstruit leur agilité sans tout péter.

Le moment où tout se complique

Il existe un seuil invisible dans la vie des entreprises de taille intermédiaire. Jusque-là, la croissance semblait naturelle : on ajoutait des équipes, on ouvrait des filiales, on gagnait des parts de marché. Puis, imperceptiblement, quelque chose change.

Les indicateurs restent au vert en apparence. Les clients sont servis. Mais en coulisses, le système fatigue. Les dirigeants ressentent un malaise diffus : les coûts augmentent presqu’aussi vite que le chiffre d’affaires, les décisions prennent des semaines, les équipes passent leur temps à « faire tourner » plutôt qu’à innover.

Les signaux qui ne trompent pas

La perte d’agilité ne surgit pas d’un coup. Elle se manifeste par des symptômes que tout dirigeant peut reconnaître :

 

Dans l’organisation :

    • Chaque filiale développe ses propres pratiques, ses fichiers Excel, ses codes internes
    • Le départ d’une personne-clé paralyse un service entier
    • Les décisions passent par tellement de comités qu’on ne sait plus qui décide vraiment
 

Dans les opérations :

    • Enregistrer une commande prend 30 minutes au lieu de 5
    • Les erreurs de facturation se multiplient, les doublons aussi
    • La productivité par collaborateur stagne, voire régresse

 

Dans le système d’information :

    • L’ERP ne parle pas au CRM, qui ne parle pas aux outils métiers
    • Les connecteurs « maison » cassent à chaque mise à jour
    • 80% du budget IT sert à maintenir l’existant, pas à innover

Pourquoi ça coince : la croissance par empilement

Quand chaque entité a ses pratiques, la complexité croît exponentiellement. Une entreprise de 5 filiales ne gère pas 5 fois plus de complexité qu’une entreprise mono-site, mais 25 fois plus.

L’enfermement des solutions verticales

Les grands ERP et CRM, pensés pour stabiliser les processus, finissent par les rigidifier. Ils enferment les données dans des formats propriétaires et ralentissent toute évolution.

La gouvernance en transition

Les groupes issus d’une croissance par empilement reposent souvent sur des modèles décentralisés : chaque filiale vit selon sa propre logique. Ce modèle fonctionne tant que la taille reste maîtrisable.
Mais à un certain stade, la gouvernance doit évoluer : on ne peut plus se contenter de consolider les chiffres, il faut construire une architecture de décision claire, partagée et cohérente. C’est ce passage – du patchwork d’entités à une organisation de groupe – qui permet de créer la vraie synergie et de retrouver la capacité d’avancer collectivement.

Le sous-investissement structurel

Les ETI investissent souvent trop tard dans la refonte. Faute de ressources ou par crainte du big-bang, elles accumulent de la dette technique à des niveaux élevés avant de s’attaquer au problème.

Les conséquences : quand l'effort ne paye plus

L’impact se lit dans les chiffres. Les coûts fixes croissent plus vite que le chiffre d’affaires, la marge s’érode. Les délais s’allongent, l’agilité disparaît. Les décisions reposent sur des données partielles ou obsolètes. Les équipes IT passent leur temps en maintenance, l’innovation interne s’éteint.

C’est ce que certains consultants appellent le « faux plat de la croissance » : l’entreprise produit le même effort pour un résultat décroissant.

La réponse : reconstruire la scalabilité sans tout casser

Face à ce constat, certaines ETI optent pour le « grand projet de refonte ». Mais faute d’une architecture de gouvernance bien adaptée, ces initiatives peuvent finir par produire l’effet inverse : elles paralysent l’organisation au lieu de la transformer.

L’approche alternative selon nous repose sur quatre piliers, déployés de façon incrémentale.

Pilier 1 : reprendre possession des données

Sans données unifiées, aucun pilotage n’est possible. Le premier chantier consiste à :

    • Cartographier les sources critiques (clients, produits, commandes)
    • Créer un référentiel unique de vérité
    • Formaliser des règles de qualité : complétude, unicité, cohérence
 

Exemples d’objectifs mesurables à atteindre :

    • Données complètes à 98%
    • Suppression totale des doublons
    • Délai de consolidation divisé par 2
 

Pilier 2 : créer de la transversalité avec une couche worklfow

Créer du lien entre les applications verticales et avec le référentiel de données pour reprendre le contrôle des flux métiers critiques : commande, livraison, facturation, support. 

Exemples d’objectifs mesurables à atteindre :

    • Réduction de 20 à 30% des temps de cycle
    • 90% des cas traités via un flux standard
    • Diminution de 30% des reprises manuelles
 

Pilier 3 : Installer une gouvernance claire

Créer le tandem crucial d’architectes métier et technique et organiser la gouvernance du métier. Définir une roadmap par lots de valeur. Formaliser qui décide, qui fait, qui contrôle. Garantir un mandat exécutif.

Exemples d’objectifs mesurables à atteindre :

    • +10 points de part du budget IT dédiée à l’innovation
    • Cycle de validation réduit de 50%
 

Pilier 4 : Automatiser pour libérer et emmener les équipes

Identifier les quick-wins : saisie, contrôle, rapprochement, notifications. Déployer un catalogue d’automatisations. Mesurer les gains.

Exemples d’objectifs mesurables à atteindre :

    • 25% des tâches répétitives automatisées
    • +30% d’heures gagnées
    • Moins de 0,5% d’incidents sur les automatisations

Mesurer ce qui compte

Un plan d’action n’a de valeur que s’il démontre un retour tangible. Voici quelques indicateurs à suivre et ordres de grandeur :

DomaineIndicateurCibleHorizon
Innovation ITPart budget innovation+10 points12 mois
Productivité / AutomatisationHeures gagnées+20%12 mois
Qualité donnéesComplétude/doublons98% / <1%6 mois
DélaisLead time end-to-end-20 à -30%12 mois

Notre parti pris : l'approche incrémentale contre le big-bang

La tentation du grand projet de refonte est forte. Elle conduit souvent à l’inverse de l’effet recherché : immobilisation, perte d’agilité, frustration.

L’alternative repose sur ce qu’on pourrait appeler une « architecture vivante » : un système qu’on fait évoluer brique par brique, sans tout casser. Chaque élément doit pouvoir évoluer indépendamment.

Les limites de la méthode

Soyons honnêtes : cette approche a ses contraintes.

Elle demande du temps de cadrage : 90 jours d’exécution nécessitent 30 jours de diagnostic préalable. Toutes les ETI n’ont pas cette patience.

Elle suppose une maturité organisationnelle : si la gouvernance est trop fragmentée, même les quick-wins peinent à émerger.

Elle ne résout pas tout : les questions de culture d’entreprise, de résistance au changement, de formation des équipes restent entières. La technologie ne fait pas tout.

Ce que ça change vraiment

Quand la scalabilité revient, les effets se font sentir rapidement. Les décisions s’accélèrent. La confiance dans les données renaît. Les équipes innovent à nouveau. Le système d’information redevient un allié.

C’est ce qu’on pourrait appeler la « croissance orchestrée » : une organisation fluide, des données fiables, des processus lisibles, une gouvernance claire, des automatisations au service des humains.

En conclusion : croître sans s'étouffer

La scalabilité n’est pas qu’une affaire de technologie. C’est avant tout une discipline managériale, qui repose sur une alchimie entre architecture, gouvernance et culture.

Les ETI qui réussissent leur passage à l’échelle partagent quelques convictions :

    • La donnée est un actif stratégique à gouverner
    • La standardisation est un investissement, pas une contrainte
    • L’automatisation révèle les inefficiences avant de les résoudre
    • La scalabilité est une posture de long terme, pas un projet ponctuel
 

La vraie modernité n’est peut-être pas de suivre la dernière mode technologique, mais de construire des fondations robustes, agiles et durables. C’est moins sexy que l’IA générative ou le Web3, mais c’est ce qui permet aux entreprises de grandir sans s’étouffer.