Alors votre ETI produit le même effort pour un résultat décroissant. Enquête sur les entreprises qui ont reconstruit leur agilité sans tout péter.
Il existe un seuil invisible dans la vie des entreprises de taille intermédiaire. Jusque-là, la croissance semblait naturelle : on ajoutait des équipes, on ouvrait des filiales, on gagnait des parts de marché. Puis, imperceptiblement, quelque chose change.
Les indicateurs restent au vert en apparence. Les clients sont servis. Mais en coulisses, le système fatigue. Les dirigeants ressentent un malaise diffus : les coûts augmentent presqu’aussi vite que le chiffre d’affaires, les décisions prennent des semaines, les équipes passent leur temps à « faire tourner » plutôt qu’à innover.
La perte d’agilité ne surgit pas d’un coup. Elle se manifeste par des symptômes que tout dirigeant peut reconnaître :
Dans l’organisation :
Dans les opérations :
Dans le système d’information :
Quand chaque entité a ses pratiques, la complexité croît exponentiellement. Une entreprise de 5 filiales ne gère pas 5 fois plus de complexité qu’une entreprise mono-site, mais 25 fois plus.
L’enfermement des solutions verticales
Les grands ERP et CRM, pensés pour stabiliser les processus, finissent par les rigidifier. Ils enferment les données dans des formats propriétaires et ralentissent toute évolution.
La gouvernance en transition
Les groupes issus d’une croissance par empilement reposent souvent sur des modèles décentralisés : chaque filiale vit selon sa propre logique. Ce modèle fonctionne tant que la taille reste maîtrisable.
Mais à un certain stade, la gouvernance doit évoluer : on ne peut plus se contenter de consolider les chiffres, il faut construire une architecture de décision claire, partagée et cohérente. C’est ce passage – du patchwork d’entités à une organisation de groupe – qui permet de créer la vraie synergie et de retrouver la capacité d’avancer collectivement.
Le sous-investissement structurel
Les ETI investissent souvent trop tard dans la refonte. Faute de ressources ou par crainte du big-bang, elles accumulent de la dette technique à des niveaux élevés avant de s’attaquer au problème.
L’impact se lit dans les chiffres. Les coûts fixes croissent plus vite que le chiffre d’affaires, la marge s’érode. Les délais s’allongent, l’agilité disparaît. Les décisions reposent sur des données partielles ou obsolètes. Les équipes IT passent leur temps en maintenance, l’innovation interne s’éteint.
C’est ce que certains consultants appellent le « faux plat de la croissance » : l’entreprise produit le même effort pour un résultat décroissant.
Face à ce constat, certaines ETI optent pour le « grand projet de refonte ». Mais faute d’une architecture de gouvernance bien adaptée, ces initiatives peuvent finir par produire l’effet inverse : elles paralysent l’organisation au lieu de la transformer.
L’approche alternative selon nous repose sur quatre piliers, déployés de façon incrémentale.
Sans données unifiées, aucun pilotage n’est possible. Le premier chantier consiste à :
Exemples d’objectifs mesurables à atteindre :
Créer du lien entre les applications verticales et avec le référentiel de données pour reprendre le contrôle des flux métiers critiques : commande, livraison, facturation, support.
Exemples d’objectifs mesurables à atteindre :
Créer le tandem crucial d’architectes métier et technique et organiser la gouvernance du métier. Définir une roadmap par lots de valeur. Formaliser qui décide, qui fait, qui contrôle. Garantir un mandat exécutif.
Exemples d’objectifs mesurables à atteindre :
Identifier les quick-wins : saisie, contrôle, rapprochement, notifications. Déployer un catalogue d’automatisations. Mesurer les gains.
Exemples d’objectifs mesurables à atteindre :
Un plan d’action n’a de valeur que s’il démontre un retour tangible. Voici quelques indicateurs à suivre et ordres de grandeur :
Domaine | Indicateur | Cible | Horizon |
---|---|---|---|
Innovation IT | Part budget innovation | +10 points | 12 mois |
Productivité / Automatisation | Heures gagnées | +20% | 12 mois |
Qualité données | Complétude/doublons | 98% / <1% | 6 mois |
Délais | Lead time end-to-end | -20 à -30% | 12 mois |
La tentation du grand projet de refonte est forte. Elle conduit souvent à l’inverse de l’effet recherché : immobilisation, perte d’agilité, frustration.
L’alternative repose sur ce qu’on pourrait appeler une « architecture vivante » : un système qu’on fait évoluer brique par brique, sans tout casser. Chaque élément doit pouvoir évoluer indépendamment.
Soyons honnêtes : cette approche a ses contraintes.
Elle demande du temps de cadrage : 90 jours d’exécution nécessitent 30 jours de diagnostic préalable. Toutes les ETI n’ont pas cette patience.
Elle suppose une maturité organisationnelle : si la gouvernance est trop fragmentée, même les quick-wins peinent à émerger.
Elle ne résout pas tout : les questions de culture d’entreprise, de résistance au changement, de formation des équipes restent entières. La technologie ne fait pas tout.
Quand la scalabilité revient, les effets se font sentir rapidement. Les décisions s’accélèrent. La confiance dans les données renaît. Les équipes innovent à nouveau. Le système d’information redevient un allié.
C’est ce qu’on pourrait appeler la « croissance orchestrée » : une organisation fluide, des données fiables, des processus lisibles, une gouvernance claire, des automatisations au service des humains.
La scalabilité n’est pas qu’une affaire de technologie. C’est avant tout une discipline managériale, qui repose sur une alchimie entre architecture, gouvernance et culture.
Les ETI qui réussissent leur passage à l’échelle partagent quelques convictions :
La vraie modernité n’est peut-être pas de suivre la dernière mode technologique, mais de construire des fondations robustes, agiles et durables. C’est moins sexy que l’IA générative ou le Web3, mais c’est ce qui permet aux entreprises de grandir sans s’étouffer.